Les ARCHITECTES seraient-il encore SEXISTES à l’instar de Le Corbusier ?
Voici une citation éloquente de Le Corbusier à propos de sa
fameuse Cité Radieuse, considérée comme « le » modèle du progrès : « La femme sera heureuse si son mari est
heureux. Le sourire des femmes est un
don des dieux. Et une cuisine bien faite
vaut la paix du foyer. Alors faites donc
de la cuisine le lieu du sourire féminin, et que ce sourire rayonne sur l’homme
et les enfants présents autour de ce sourire. »
Dans cette résidence construite en 1947 à Marseille, ce
premier village vertical, les appartements possèdent une toute petite cuisine « corset »
de 4.8 m² (tout au fond sur cette photo, près de la porte d'entrée, derrière le meuble de la salle à manger), pensée pour être la plus pratique possible pour … la femme. L’espace très étroit se resserre autour de la
ménagère, qui pivote sur elle-même, et ne laisse de place à personne d’autre
pour partager éventuellement les tâches. Le but n'est pas d'être à l'aise dans
la cuisine, mais efficace.
Aujourd’hui, trop souvent encore, nos cuisines
fonctionnelles sont toujours inspirées de Le Corbusier, qui, avec la designer
Charlotte Perriand, s’était lui-même inspiré de la cuisine de Francfort (voir ci-dessous),
inventée dès 1927 par l'architecte autrichienne Margarete Schütte-Lihotzky,
fortement influencée par le taylorisme.
En Belgique, de 1927 à 1929, l’architecte Louis-Herman de
Koninck travaille sur un nouveau type de meubles de cuisine sur base des
recherches de T. Riolle sur la pénibilité du travail domestique. Ces recherches
aboutiront à la présentation en 1930 à la cuisine CIAMB lors du troisième CIAM
(Congrès international d'architecture moderne) à Bruxelles. Ces cuisines
révolutionnaires seront commercialisés dès 1931 et durant plus de trente ans
sous la marque « Cubex », réduisant la cuisine à un ensemble de meubles.
Ce passé récent survit encore aujourd’hui, l'aménagement de
nos cuisines n'ayant pas beaucoup évolué depuis les années 50, âge d'or de la
femme au foyer, selon les dires de Catherine Clarisse, architecte enseignante à
l’ENSA Paris-Malaquais et chercheuse, dans son ouvrage étudiant les relations
entre les sociétés et l’aménagement des cuisines (Cuisine, recettes d’architecture),
ouvrage, il est vrai, datant de 2004. Selon elle, la course à la modernité
aurait creusé les inégalités face aux tâches ménagères.
Le plus souvent d’ailleurs, on ne parle pas d’espace cuisine
mais de cuisine, un simple ensemble de meubles alors que la législation,
pourtant, depuis 1804, reconnait en ses articles 517 et 525 du Code Civil ces
biens meubles comme étant des biens immeubles. La plus grande majorité des cuisinistes se
considérant légalement, encore de nos jours,
comme relevant du secteur du commerce de détail de mobilier est une
preuve indéniable de cette survivance.
Sans doute encore influencés par cet architecte génial mais
non moins sexiste qu’était le Corbusier, en opposition avec un autre architecte
non moins génial qu’était Frank Lloyd Wright ;
peut-être motivés inconsciemment par l’intérêt financier à consacrer prioritairement le budget de leurs clients aux travaux immobiliers, ces mêmes clients ne pouvant concevoir que l’espace cuisine (et son budget de réalisation) soit considéré comme immeuble et soit dès lors intégré dans l’assiette des honoraires ;
ou encore, éventuellement, persuadés que l’enveloppe impose le contenu et non l’inverse, le volume devant être la contrainte de l’aménagement intérieur dont ils s’inquiètent dès lors peu ;
peut-être motivés inconsciemment par l’intérêt financier à consacrer prioritairement le budget de leurs clients aux travaux immobiliers, ces mêmes clients ne pouvant concevoir que l’espace cuisine (et son budget de réalisation) soit considéré comme immeuble et soit dès lors intégré dans l’assiette des honoraires ;
ou encore, éventuellement, persuadés que l’enveloppe impose le contenu et non l’inverse, le volume devant être la contrainte de l’aménagement intérieur dont ils s’inquiètent dès lors peu ;
de nombreux architectes, aujourd’hui, persistent, sans le
savoir vraisemblablement, à conforter cette vision sexiste :
- l’espace consacré à ce qui reste pour eux un atelier est un espace accessoire, périphérique, à l’instar du garage duquel il est d’ailleurs souvent très proche. Dans le garage (d’une superficie souvent plus grande que l’espace cuisine), est parqué l’outil mobilité (la voiture de monsieur), dans la cuisine, est parqué l’outil ménager (le robot ménager de madame). Et bien sûr, le budget pour la voiture est nettement plus élevé que le budget alloué à l’espace cuisine. Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
- l’espace cuisine se satisfait de la superficie subsistant une fois toutes les autres superficies organisées, même si cette superficie est trop étriquée pour favoriser le partage des tâches ménagères entre tous les membres de la famille. Madame doit aisément pouvoir tendre le bras pour accéder à tous les ustensiles (inutile donc de faire grand) quand Monsieur doit pouvoir, dans le salon, tendre les jambes au repos ou tendre les mains festives à ses invités (indispensable donc de faire grand). Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
- l’espace cuisine, pièce de service, est enfermé (et le modèle de Le Corbusier et Charlotte Perriand n’est pas suivi sur le coup) dans ses quatre murs sans oublier toutefois un accès à l’extérieur pour … le service en terrasse. L’office et sa domestique quelque peu désordonnée ne doit pas être au vu des invités et les bruits et odeurs ne peuvent incommoder le repos nécessaire du guerrier. Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
- l’espace consacré à ce qui reste pour eux un atelier est un espace accessoire, périphérique, à l’instar du garage duquel il est d’ailleurs souvent très proche. Dans le garage (d’une superficie souvent plus grande que l’espace cuisine), est parqué l’outil mobilité (la voiture de monsieur), dans la cuisine, est parqué l’outil ménager (le robot ménager de madame). Et bien sûr, le budget pour la voiture est nettement plus élevé que le budget alloué à l’espace cuisine. Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
- l’espace cuisine se satisfait de la superficie subsistant une fois toutes les autres superficies organisées, même si cette superficie est trop étriquée pour favoriser le partage des tâches ménagères entre tous les membres de la famille. Madame doit aisément pouvoir tendre le bras pour accéder à tous les ustensiles (inutile donc de faire grand) quand Monsieur doit pouvoir, dans le salon, tendre les jambes au repos ou tendre les mains festives à ses invités (indispensable donc de faire grand). Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
- l’espace cuisine, pièce de service, est enfermé (et le modèle de Le Corbusier et Charlotte Perriand n’est pas suivi sur le coup) dans ses quatre murs sans oublier toutefois un accès à l’extérieur pour … le service en terrasse. L’office et sa domestique quelque peu désordonnée ne doit pas être au vu des invités et les bruits et odeurs ne peuvent incommoder le repos nécessaire du guerrier. Cela ne favorise évidemment pas l’égalité homme-femme.
Si ils ne confortent pas cette vision sexiste, il n’encouragent
en tout cas pas d’y renoncer. A l’instar
du choix du mobilier du salon et de sa disposition, il semble évident qu’ils ne
doivent pas intervenir dans le choix de l’implantation de l’espace cuisine, ni
dans la conception de ses volumes. Un
espace accessoire ne peut quand même pas influer, faute d’y correspondre, sur
la qualité de leur œuvre architecturale.
Ces constations se veulent volontairement polémiques pour engendrer vos réactions.
Car je
reconnais qu'aujourd’hui, de plus en
plus nombreux sont les architectes qui redonnent sa prédominance à l’espace
cuisine. Sans doute pas pour contrer le
sexisme consciemment mais très souvent pour suivre la demande d’une
société. Et cette société, bien qu’elle
évolue vers plus d’équité entre les hommes et les femmes, demande à retrouver,
sans pour autant vouloir consciemment contrer le sexisme, un épicentre dans l’espace
cuisine.
De plus en plus nombreux, les architectes savent que un
cercle ne peut exister sans son centre et que c’est ce centre qui commande le
cercle.
De plus en plus nombreux, les architectes pensent que
- - L’espace cuisine est l’espace de l’habitation le
plus fréquenté, le plus vécu. L’espace cuisine est le point de départ et le
point d’arrivée hypo et épicentrique des flux de circulation dans l’habitation,
il est le cœur du foyer, le lieu considéré le plus important par ses
propriétaires.
- - L’espace cuisine est l’espace le plus
exposé. Parce qu’il s’ouvre de plus en
plus vers l’extérieur, il est l’espace
intérieur le plus en vue non seulement du dedans mais également du dehors. Il est de surcroît l’espace le plus montré
par ses heureux propriétaires à leurs invités.
- - L’espace cuisine est ainsi très étroitement lié
au parti-pris architectural de l’architecte ayant conçu l’habitation.
- - Les bons contes faisant les bons amis, l’espace
cuisine, vu sa prédominance, doit être le prolongement ou une inclusion
complémentaire de l’histoire racontée par l’architecte dans sa création.
- - Sous peine d’être dépréciée, l’œuvre de
l’architecte doit convertir toutes les composantes constituant cette œuvre à sa
cause et tout particulièrement la composante prééminente qu’est l’espace
cuisine.
Et même si l’objectif de cette évolution n’a jamais été la
lutte contre le sexisme, elle en est toutefois une conséquence. Peu importe que ce soit un objectif ou une
conséquence pour autant que cela soit une réalité.
Edvige Natali Cuisines Namur