Une petite histoire personnelle qui vous en dira plus !
C’était une vieille tradition :
auparavant, dans les communes rurales, on ne mangeait pas régulièrement de la
viande. Une des exceptions : la fin de l'année où «on tuait le cochon.» On mangeait notamment du boudin noir, li tripe, li neûre tripe, essentiellement après la messe de minuit.
Mes grands-parents fermiers tuaient eux
aussi le cochon chaque fin d’année. Et c’était
un grand événement ! A peine tué, il fallait réaliser toutes les découpes,
les salaisons, les préparations. Deux
jours de travail ardu dans la cuisine. Leurs
amis venaient les aider à la tâche et la cuisine était tout autant envahie par
ces amis que par les odeurs, les saveurs annonçant les fêtes.
Et parmi les préparations, il y avait
le boudin, et plus particulièrement le boudin noir. Et surtout le boudin aux pommes, que j’adorais.
Avec les pommes de l’automne qui avaient été conservées précieusement dans la
chambre aux pommes, une pièce fraîche où elles avaient été disposées délicatement
une à une sans se toucher sur de grandes claies. Le sapin de Noël n’était pas d’ailleurs
pas décoré de boules de Noël mais de pommes rouges.
Ma grand-mère interdisait à quiconque
de toucher au boudin préparé. Il était
réservé pour le manger après la messe de
minuit de Noël qui avait lieu trois ou quatre jours après.
Je l’avoue, je ne pouvais pas
résister à attendre. Et, une année, le
jour de Noël, à l’insu de ma grand-mère, alors que tous les invités s’amusaient
autour d’un délicieux repas, je me suis « goinfrée » du boudin noir
aux pommes réservé, je m’en suis « goinfrée » juste avant la messe de
minuit à laquelle je devais assister comme enfant de chœur, auprès de l’autel,
face à la foule nombreuse présente.
Trop « goinfrée » ! Et
mon méfait fut vite découvert : en pleine messe, devant toute cette foule,
le boudin noir est remonté de mon estomac pour s’étaler sur l’autel, à ma
grande honte. Vous vous en doutez, je
fus la risée de toute l’assemblée !
Si ce jour-là j’ai ressenti une très
grande honte, aujourd’hui c’est un merveilleux souvenir que je me plais de
raconter. J’adore toujours le boudin
noir aux pommes car il me rappelle, avec beaucoup d’autres souvenirs, ces
heureux événements en famille dans la cuisine.
C'est dans l’espace cuisine que
s'écrit notre histoire, et tout particulièrement au cours des fêtes de fin
d'année. L'espace cuisine est l'espace des souvenirs gustatifs, des souvenirs
olfactifs, des souvenirs d'attentions à notre égard, l’espace des valeurs
transmises de génération en génération, l’espace de très tendres émotions.
Et voilà pourquoi je suis devenue
artiste cuisiniste.
- - pour vivre chacun de mes jours, toute la journée, dans la
cuisine, ce lieu qui a été la scène de mes plus beaux souvenirs (et qui
continue à l’être si ce n’est que c’est moi la grand-mère et que je ne tue pas
le cochon LOL )
- - pour créer chaque jour ces espaces afin qu’ils deviennent la
scène de vos plus beaux souvenirs et la scène des plus beaux souvenirs de vos
enfants.
- - parce que l’espace cuisine, ce n’est pas un
meuble mais une scène où les actes de la pièce de ma vie se sont déroulés
empreints de senteurs, de goûts, de sensations, d’émois, de frissons, d’affections,
de plaisirs marquants
- - parce que l’espace cuisine n’est pas un
meuble mais la scène où les actes de la pièce de votre vie future se
dérouleront et parce que les sentiments forts que vous y vivrez méritent le
plus bel écrin, la plus belle scène.
Oui, le
boudin noir aux pommes et la cuisine où il était préparé sont à l’origine de ma
vocation d’artiste cuisiniste. Faudrait-il que j'en fasse tout un plat ?
Et vous, y
a-t-il un aliment fortement attaché à vos souvenirs, un événement dans la
cuisine qui agrémente votre mémoire ?
N’hésitez pas à en faire part en commentaire pour partager un agréable
souvenir qui égaiera qui vous lira en ces fêtes de fin d’année.
Edvige Natali Cucine