La méga-cuisine, nouvelle pièce star de la maison et des rapports familiaux !




Les cuisines spacieuses de qualité séduisent de plus en plus les familles. Ces lieux de vie semblent se substituer peu à peu aux salles à manger. Il faut voir derrière ce phénomène des changements culturels ainsi qu'une transformation des rapports sociaux extra-familiaux.

(Interview de Jean Kellerheals, professeur honoraire au département de Sociologie de l'Université de Genève, auteur notamment de  "Microsociologie de la famille, Paris , PUF)

Selon une étude publiée dans le Times, les familles montrent un engouement de plus en plus important pour les espaces cuisines aménagés de qualité au détriment des cuisines meubles vendues par les discounters.  Ils refusent de plus en plus de faire ces concessions sur la qualité et mettent l’importance sur la conception architecturale de l’espace. 



Ces lieux de vie semblent remplacer les salles à manger.  Comment la salle à manger a-t-elle été dépassée par la cuisine comme pièce centrale des rapports familiaux ?

Jean Kellerhals : Depuis de nombreuses années, diverses tendances architecturales privilégient les "cuisines ouvertes" ne faisant qu'un avec le living. Les appartements modernes suivent souvent la même mode, probablement aussi pour des raisons d'économie ou de rentabilité des espaces.

Cette évolution traduit-elle des changements culturels ?

Oui, très probablement. Et peut-être en premier lieu des modifications dans les conceptions de l'intimité familiale. On ne veut plus exclure le conjoint qui opère en cuisine par exemple. Et cela est bien sûr relié aux transformations des rôles féminin et masculin dans la famille. La double-carrière s’est généralisée, le partage des tâches domestiques, sans atteindre l’égalité, s’est accentué.
A quoi s'ajoute une volonté de mieux associer les enfants à la vie des parents, de mieux communiquer, de passer plus de temps ensemble. Tocqueville aurait peut-être parlé d'un effet d' "égalisation des conditions", tant entre conjoints qu’entre parents et enfants.
Plus banalement, la transformation des manières de cuisiner – généralisation des appareils de cuisine, des congelés, des plats préparés -, leur simplification, a vraisemblablement favorisé cette évolution, comme l’a encouragé le fait que les aides ménagères – les «bonnes » de nos grands parents – se soient faites plutôt rares…




Le fait de cuisiner est devenu aussi une sorte de hobby, de distraction créative, autour de laquelle il fait quelquefois bon se réunir, « se distinguer », montrer son talent ou sa personnalité.
Qu’est-ce que ce phénomène nous dit de la transformation des rapports sociaux extra-familiaux?

Cette évolution traduit vraisemblablement une conception plus intimiste, plus spontanée, des relations amicales ou « sociales ». Il s’agit de mieux associer les invités à l'intimité familiale, de se montrer tel que l’on est, de « faire cadeau » à l’autre, en quelque sorte, de certains usages privés de la quotidienneté. 
Cela correspond aussi à une plus grande valorisation de l'authenticité dans les relations sociales. Etre moins formel ou formaliste, plus « cool ». 


Tout cela est en résonance  avec certaines modifications des clivages sociaux. On est passé d'une petite et moyenne bourgeoisie assez "typées", très sourcilleuses sur les usages du monde (les « manières »),  à des "couches moyennes" moins soucieuses de garder les formes.  Les rituels de réception – naguère focalisés sur l’argenterie, les nappes damassées, les vaisselles complètes, les salles à manger avec du mobilier royal, etc – ont changé de nature.
Aujourd’hui, les marques de spontanéité, de naturel, d’aisance à passer d’un rôle à l’autre –tourner une mayonnaise en même temps que l’on disserte sur Mahler ou que l’on raconte les dernières conférences de direction - sont en ce domaine devenues plus à la mode. Autrement dit, les critères de la « distinction », pour reprendre les termes de Bourdieu,  changent de nature.








Edvige Natali Cuisines Namur

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