Comment avoir la patate ? En mangeant le fruit défendu. HISTOIRE DE PARMENTIER
Afin d’inciter les Français à ne plus bouder la pomme de
terre, le savant Parmentier, qui en connaissait les immenses qualités et
désespérait de voir notre pays l’adopter, eut au XVIIIe siècle une idée
lumineuse...
Aujourd'hui cultivée partout en Europe, la pomme de terre
non seulement nous donne à peu de frais un aliment agréable et sain, mais nous
avons trouvé moyen de changer sa fécule en sucre et en alcool. C’est aux
savants travaux et au zèle infatigable du chimiste Antoine Parmentier
(1737-1813) que nous devons l’extension de sa culture et de son emploi.
Les grands propriétaires français avaient, il est vrai,
suivi l’impulsion donnée par Louis XVI ; ils avaient permis à la pomme de terre
de végéter dans quelques coins de leurs domaines ; mais les paysans ne la
cultivaient qu’avec répugnance ; ils refusaient d’en manger, et l’abandonnaient
à leurs bestiaux. Il en était même qui ne la jugeaient pas digne de servir
d’aliment à ces derniers.
Ce fut Parmentier qui, le premier, fit du pain de pomme de
terre. Il avait entrepris de vulgariser en France l’usage de ce précieux
tubercule ; il comprenait que si la pomme de terre pouvait suppléer le froment,
toute famine devenait à jamais impossible. Aussi cet homme généreux
consacra-t-il sa fortune, son talent, sa vie entière à cette œuvre immense de
charité ; ce n’était pas assez pour lui d’encourager la culture de la pomme de
terre par des écrits, des discours, des récompenses, en un mot par tous les
moyens d’influence que lui donnait sa haute position : il acheta ou prit à
ferme une grande quantité de terres en friche, à plusieurs lieues de rayon
autour de Paris, il y fit planter des pommes de terre.
La première année, il les vendit à bas prix aux paysans des
environs ; peu de gens en achetèrent ; la seconde année, il les distribua pour
rien, personne n’en voulut. A la fin, son zèle devint du génie : il supprima
les distributions gratuites, et fit publier à son de trompe dans tous les
villages une défense expresse, qui menaçait de toute la rigueur des lois
quiconque se permettrait de toucher aux pommes de terre dont ses champs
regorgeaient. Les gardes champêtres eurent ordre d’exercer pendant le jour une
surveillance active, et de rester chez eux pendant la nuit.
Dès lors, chaque carré de pommes de terre devint, pour les
paysans, un jardin des Hespérides, dont le dragon était endormi ; la maraude
nocturne s’organisa régulièrement, et le bon Parmentier reçut de tous côtés des
rapports sur la dévastation de ses champs, qui le faisaient pleurer de joie. A
dater de cette époque, il n’eut plus besoin de stimuler le zèle des
cultivateurs : la pomme de terre avait acquis la saveur du fruit défendu, et sa
culture s’étendit rapidement sur tous les points de la France.
Il suffit qu'un fruit soit défendu
pour que l'on veuille le
croquer.
Edvige Natali Cuisines Namur